Bonjour
C’est en recherchant une photo du Buffle que j’ai découvert ce blog.
J’avais 15 et 16 ans étudiant dans les années 60 , un de mes amis avait un oncle marinier qui nous avait mis en contact avec la compagnie HPLM à Lyon , les bureaux étaient a droite du pont Kitchener qui traverse la Saône, aujourd’hui devenu Brasserie. C’est comme ça que durant deux étés j’ai travaillé la première année sur le Suffren et la seconde sur le Buffle, mon ami était lui, si j’ai bonne mémoire sur le Duguay Trouin et le Tourville. Le travail consistait a gratter, laver en balançant la tinette que l’on puisait avec une corde dans le Rhône, peindre, aider aux manœuvres, faire les courses et a certains endroits tenir à l’avant la barre de profondeur pour indiquer avec les mains le métrage lorsqu’il y avait des bancs de graviers ( l’ancêtre du radar de profondeur).
Pour la première fois de ma vie je découvrais une autre autorité, bien différente que celle de mon père. Levés aux aurores couchés…très tard, journées continues et le pont qui brule les pieds.
Avec le Suffren nous chargions de l’essence à Lavera pour remonter à Lyon. Avec le Buffle nous chargions des barres de fer, ou du phosphate à Marseille pour Lyon.
A la descente je ne me souviens plus ce que l’on transportait mais le courant permettait une descente très rapide .
J’ai presque 70 ans aujourd’hui et je garde en mémoires beaucoup de souvenirs. Les passages aux écluses si profondes, une panne de pompe qui nous a obligé à tour de rôle de pomper manuellement le carburant pour alimenter le moteur jusqu’au prochain arrimage ou les dépanneurs de chez Baudouin sont venus. Les arrêts a Avignon ou le petit équipage allait s’encanailler dans des endroits ou on me laissait dehors… Les amarrages pour une nuit à l’entrée d’une écluse parce qu’arrivé trop tard ( ou passage tardif pour un départ très tôt en échange de quelques bidons d’essence ) Amarrage à Arles, Andancette , la Voulte , Saint Vallier, Valence. Peu de repos mais combien de découverte d’ailleurs c’est sur le Buffle que j’ai appris à nager. A port Saint louis du Rhône le patron m’a balancé a l’eau aprés m’avoir attaché avec une corde et m’a demandé de me détacher tout en gardant confiance. J’ai découvert que je flottais.
J’ai souvenir de la traversée de Port saint louis à Marseille ou le patron me laissait la barre . Il se retournait regardant la trace et me disait « tu zigzagues mon petit tu zigzagues »
Une autre fois a Port saint Louis descendu saluer mon ami qui suivait sur sa péniche le Duguay Trouin , mon patron agacé de ne pas me voir est parti sans attendre que je monte a bord… j’ai pris le vélo de mon ami et j’ai remonté le fleuve jusqu'à Arles où je suis arrivé avant le Buffle. Là c’est le cas de le dire j’ai « bluffé » le patron qui n’a dit qu’une phrase « la prochaine fois tu traineras pas » par contre j’étais piqué par les taons sur les bras.
Au port de Marseille une autre fois un collègue à fait signe de mettre en avant alors qu’il restait un câble amarré a une bitte … j’ai senti passer et siffler prés de mon visage le câble qui avait rompu et entendu hurler le patron de colère ..j’aurai pu être tué en un instant. Nom d’un chien l’engueulade a durée 2 jours.
Ça gueulait mais c’était très paternel, ces patrons étaient des personnages de romans, forts , gueulards, autoritaires, plein d’expérience et surtout des forçats du Rhône jamais de repos, horaires incroyables …des vrais bosseurs qui aimaient ça !
Le Daim, l’Élan , Citerna, Rhodania , Surcouf tous ces noms me disent quelque chose comme les noms d’écluses et j’aimerais tant me faire une descente ou une remontée c’était trop beau.
Le hasard, rien que le hasard ?
Le même jour, un italien nous parle d'un bel endormi qu'est le CITERNA 5, et di Giovanni nous raconte avec passion ses deux étés sur le Rhône !...
J'ai moi-même travaillé pendant dix étés sur le CITERNA 12, et probablement à la même époque que vous, vu notre âge commun.
Vous résumez excellemment les activités professionnelles ou non !.. les lieux, les sensations, l'ambiance, les anecdotes, les incidents ou accidents. Merci de faire resurgir ce flot de souvenirs.
Toutefois, j'associerai volontiers à ce récit quelques noms : votre ami, vos patrons, vos collègues que j'ai pu connaître.
J'ai écrit la biographie de mes parents : Marinier du Rhône 1919-1979.
Mon mail : hildjbm@aol.com
Les pétroliers dont le SUFFREN, TOURVILLE ou DUGUAY-TROUIN descendaient pratiquement toujours à vide, les raffineries étant à cette époque toutes aux environs de Martigues.
Je comprends votre souhait de refaire un voyage sur le fleuve-dieu, mais il n'est plus dieu, et d'expérience, on supporte mal de n'être que passager, et non plus acteur.
À vous lire, mes salutations rhodaniennes