(articles précédents : bordabord.org/news/la-descente-des-vosges-de-l-echelle-d-ecluses-au-plan-incline-d-arzviller ; bordabord.org/news/la-descente-des-vosges-de-l-echelle-d-ecluses-au-plan-incline-d-arzviller-2-6)
Après la deuxième Guerre mondiale, dans les années 1950-1960, le canal de la Marne au Rhin, en particulier son versant Rhin qui nous intéresse ici, a bénéficié de nombreux travaux :
- remise en état : renforcement des digues, réparations des bajoyers et murs de quai, des aqueducs
- amélioration des conditions de navigation : mécanisation des écluses (14 écluses mécanisées en 1956 selon le système Fritz, 17 autres avant 1970, système Bendel) ; essai d'automatisation sur l'écluse n°41, système Saxby, élargissement des passes navigables sous les ponts, construction d'estacades de guidage aux écluses, approfondissement du souterrain d'Arzviller (mise au mouillage de 4,00m terminée en juin 1966)
- mise au mouillage de 2,60m, permettant un enfoncement de 2,20m des bateaux, autorisé à compter du 23 octobre 1968 à titre d'essai sur le versant Rhin.
Attardons-nous un peu sur cette photo aérienne :
En aval de l'écluse n°3, le canal fait un coude très prononcé sur la droite pour rejoindre l'écluse n°4. Sur la gauche, le petit embranchement est appelé "port Sainte-Marie".
Une autre vue sur ce bief, cette fois un montant s'engage dans l'écluse n°3, vu de l'aval ; il ne croisera pas d'avalant dans le petit bief, l'écluse 2 est déjà prête à l'accueillir :
Voici la liste des écluses de la descente d'Arzviller donnée par le Guide Officiel de la Navigation intérieure de 1957, et la carte la représentant :
L'avant-projet prévoyait le remplacement des 14 premières écluses par un plan incliné longitudinal et les trois suivantes par une écluse unique de 7,80 mètres de chute.
Le plan incliné rachetait une chute de 36,75m sur une distance de 1775 mètres, avec une pente de 2,12% et deux chariots-bacs. Son tracé comportait des courbes, ce qui empêchait en pratique l'équilibrage des bacs par des contrepoids ; il fallait donc avoir recours à des chariots-bacs automoteurs. La tête amont de l'ouvrage se situait à l'aval de l'écluse n°1, à l'écart du tracé existant, et il suivait le cours du Teigelbach, qui aurait été busé. La tête aval se situtait au droit de l'écluse 11 et le bief aval, implanté également dans la vallée du Teigelbach, rejoignait le canal existant à l'aval de l'écluse 13. Le bief 13 devait être approfondi pour amener la cote du plan d'eau à celle du bief 14, l'écluse 14 étant supprimée, ce nouveau bief étant le bief amont de l'écluse de 7,80 mètres de chute.
Ce projet présentait l'inconvénient de nécessiter une longue interruption de la navigation pour le raccordement ; il gardait aussi un passage rétréci au passage de la voie ferrée. Il fût alors décidé d'avoir recours à la procédure du concours, afin de trouver une solution plus satisfaisante.
39 offres différentes ont été remises au 16 mars 1963, nombre ramené à 25 suite à une première analyse technique.
Parmi les diverses solutions, on trouve :
- l'ascenseur à bateaux
- la pente d'eau
- les plans inclinés longitudinaux
- les plans inclinés transversaux
Le jury, présidé par l'ingénieur en chef du service navigation de Strasbourg, après 25 réunions de la commission, fît connaître son choix de la solution retenue le 9 novembre 1963. Parmis les critères retenus, on trouve :
- le coût (les solutions les plus économiques étant celles qui remplacent 17 écluses)
- la durée du cycle : la durée de passage d'un bateau sur l'ouvrage ne doit pas dépasser le temps de passage de l'écluse la plus lente du canal ; le débit estimé de cette voie d'eau étant de 26 bateaux dans chaque sens par journée de 13 heures (1 bateaux/sens/30min)
- la sécurité d'exploitation : la sécurité optimum est obtenue avec deux bacs ; un seul suffit en première étape si l'échelle d'écluse peut rester en fonctionnement
- les conditions d'exécution : liées au tracé, elles devaient permettre de laisser en service le canal existant pendant la construction et limiter le chômage nécessaire au raccordement au minimum.
Deux projets de plan incliné transversal aboutirent au projet définitif : le premier remplaçait seulement 14 écluses et entraînait la suppression du canal existant, mais présentait l'originalité de faire rouler les deux bacs et les deux contrepoids sur les mêmes voies, réduisant les dépenses de génie civil ; le second supprimait 17 écluses, mais nécessitait la construction d'une piste pour chaque bac. Les deux groupements ont été invités à se rapprocher, et c'est ainsi que l'Administration supérieure a entériné le choix du jury.
C'est technique, détaillé, et bien illustré.
Du travail d'historien ! Félicitations.
Petite anecdote:
J'ai encore en mémoire les discussions des anciens autour d'une table alors que j'étais enfant. Elles relataient le périple d'un de mes oncles qui avait fait un voyage du Nord vers l'Est sur son bateau de bois dont la devise était MT, pour Charmes exactement, un peu au Sud de Nancy. Cela se passait en hiver 1939-1940. Les glaces, la neige......avaient bloqué longtemps le chaland en rase campagne; des religieuses avaient rendu service (mais je ne sais plus lequel) etc.... Mais c'étaient bien peu de difficultés avant ce qui les attendait tous ! L'invasion de 1940 avait bloqué le MT. Coupé du reste de la famille coincée dans le triangle Lille-Douai-Béthune. Tous les membres de celle-ci ont vu leur bateau coulé (vers le 15 mai).......
Fait peu ordinaire: l'oncle cité ci-dessus a reçu la visite peu avant sa mort (années 1990), près d'Aire-sur-la-Lys, d'une des soeurs, rencontrée à Charmes, qui avait elle-même terminé sa vie dans la région du Nord-Pas-de-Calais.
J'ai vu fontionner l'ascenseur d'Arzviller en 1989 avec une péniche allemande dans le bac.
J'ai de bons souvenirs également de Saverne et de la Maison Kate (XVIIè) où l'on y mange super bien...
J-C P.