Elles habitaient la campagne environnante qui longeait le canal, près d’un pont, d’une écluse ou d'un port; elles ont flashé pour de jeunes et beaux mariniers à la barre de leur bateau… le Destin. Mais savaient elles vraiment dans la fougue de leurs 18 ou 20 ans ce à quoi elles s’engageaient….
Après le bonheur du mariage, c’était « embarquement immédiat, attention au départ ». Et là le dur apprentissage du métier, souvent sur un bateau en bois dans les années 60 : les écluses, manuelles bien sûr, physique mais facile et sympa, l’amarrage, ça ira dés qu’on aura compris le langage technique, la barre un peu plus dur, mais après quelques cap à terre on y arrive à condition d’être en vigilance ; et puis tout le reste, bâcher, en s’accrochant pour ne pas s’envoler avec le mistral, sauter à terre… avec élan si possible, pour aller à l’écluse, ou grimper aux portes (pas d’échelle à cette époque)… les hésitations… et la voix derrière « allez saute », ce n’était plus le tendre et cher mais le marinier, responsable de son bateau ! Il fallait assumer. C’était aussi la peur au ventre dans l’étang déchaîné qu’il fallait traverser à tout prix pour ne pas rater le navire ; c’était encore l’angoisse dans le brouillard épais de Garonne à faire la vigie ou dans les manœuvres de nuit au cours des grosses marées! Il a fallu surmonter tout ça.
Photo extrait "Profession marinier" J.D.Sudres
à la manivelle !
C’était aussi courir acheter le pain ou des produits frais en se débarquant à une écluse pour venir rattraper le bateau à la suivante ; c’était la lessive au baquet, et à l’eau du canal qui était claire à cette époque, mais bien froide en hiver, le réfrigérateur à pétrole qui fumait noir si on avait de la gîte, l’eau potable qu’il fallait économiser, … la rusticité du quotidien !
De l''eau ! Corvée de pelle au chargement
Photo extrait "canal du Midi" C.Sarramon
Et puis il y a eu les enfants nés dans un port du canal au hasard des voyages… le grand bonheur d’être mère ; mais quelques années après le déchirement de la séparation, école oblige ! Il a fallu faire face….
Pour la majorité elles sont devenues des marinières émérites, quelques rares autres ont abandonné, trop dur ! Ca gâche tout le reste !
Aujourd’hui elles gardent une certaine nostalgie de cette période de leur vie synonyme de jeunesse, d’amour, de solidarité, de découverte d’un métier et d’un magnifique canal dont les souvenirs bercent leurs vieux jours ; elles n’ont retenu que le meilleur….
Alors chapeau Mesdames venues «d’à terre », un grand bravo à la hauteur de votre mérite.
Et les filles de mariniers? Pour celles là non plus ça n’a pas toujours été facile mais elles étaient nées dedans, avaient toujours vécu dans le tout petit logement au confort très sommaire, étaient à la barre depuis leur jeunesse, connaissaient le canal et ses écluses depuis toujours… alors lorsqu’elles ont épousé un marinier c’était comme avant, l’Amour en plus…ça aide !
Du noir pour la sole... dans la bonne humeur !
PS : j'ai eu du mal à trouver des photos de ces femmes au travail.....c'est toujours les hommes qu'on voie en photo... et pourtant !