Nous sommes sûrement nombreux ici à considérer la vue d'une péniche naviguant comme émouvante. Cette odeur âcre du canal, ce "poutpout" du diesel, ce bateau disparaissant à l'horizon vers on ne sait où et ces mystérieuses gens de l'eau entraperçues, pour peu qu'il y ait quelques brumes : ce décor éveille en nous toute une histoire, de l'émotion, voire du phantasme…
Mais se pose-t-on la question :
- "Comment tout cela a-t-il commencé ?"
Et oui ! Quel a bien pu être la première expérience de navigation fluviale ?
C'est en relisant le superbe livre de Bernard Le Sueur : Batelleries et bateliers de France, préfacé par François Baudouin aux éditions Horvath que me vint cette question. Plus précisément, je me mis à méditer (divaguer ?) sur ces premiers hommes, il y a fort longtemps, qui entreprirent de construire des engins flottants sur nos rivières afin de commercer. Les historiens "pros" le déclarent volontiers, lorsqu'il s'agit de proposer une théorie sur de tels événements, remontant au néolithique par exemple : la quasi-absence de documents d'époque (et pour cause) oblige à un exercice d'imagination poussé…
Alors allons-y ! Et je proposerais ici très modestement ceci :
- Observant un tronc d'arbre descendant la rivière, la fascination et "l'Euréka" ébranlent les neurones d'un homme de la préhistoire :
- "C'est lourd pourtant ça flotte !"
Archimède était encore loin de naître. Comprendre le pourquoi du comment, on n'en était pas à la veille… Mieux, le même homme a pu tomber à l'eau et, ne sachant nager, devoir sa survie grâce à la providence d'un tel tronc dérivant :
- "C'est lourd, sa flotte et même ça me porte !!"
On l'imagine fort bien, dans un premier temps, se servant désormais de la rivière pour acheminer des troncs de ce bois si utile, déjà. Puis, très vite, hardi, debout sur un assemblage de ces mêmes troncs liés par des lianes : le radeau naissait. Tandis que l'audacieux buvait quelques tasses et saluait des poissons probablement surpris d'une telle incongruité…
Par la suite, notre homme (ou sa femme) se trouvant au bord de l'eau faisant choire une calebasse remplie de légumes ou racines à laver :
- "Quand c'est creux, ça flotte encore mieux et ça transporte !!!"
Alors apparaissaient les ancêtres des charrons creusant des troncs et, partant, les "barques" monoxyles transportant désormais marchandises, hommes et bêtes…
Mais, c'est bien connu, l'homme n'en a jamais assez et se "blase" très vite. Il faut plus grand, plus gros (plus puissant) et son cerveau bouillonne.
Les créations sont rarement l'œuvre d'un seul, soit il y a co-évolution parallèle (comme disent les savants), soit l'on se copie et on improvise sa version (même bien avant l'apparition des "Nikon's" et des "touristes" allant avec).
Ainsi, profitant des expériences accumulées avec les troncs assemblés et la pirogue monoxyle, on peut penser que ses premiers génies ont tenté divers assemblage de planches, plus ou moins grossières, sur des "squelettes" de bois s'inspirant maintenant (pour ce qui allait devenir quille, membrures et bordé) des carcasses animales débitées. On se représente volontiers les premiers déboires d'étanchéité et les solutions plus ou moins hasardeuses pour y remédier : enveloppes de peau cousues et bouchage (calfeutrage, ah ! Il y a feutre dans le mot !) avec de la graisse, des herbes, de la laine tassée pour finalement découvrir l'étoupe et, bien plus tard, les vertus du goudron.
Voilà, maintenant je peux poser le livre, éteindre la lumière et m'endormir en me laissant bercer par les flots dans un baquet du Nord en bois sur la Deûle d'autrefois !
- "Dors m'in tiot quinquin, min tiot pouchin, min gros rojain…"
j'my croayis presque...
en tou cas bien chouettement, et plutôt sérieusement, imaginé...
c'est sympa juste avant de s'endormir y'a plus qu'à imaginer la BD ...