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Barragiste sur la Petite-Saône, dans les années 30

un article de Paris-Soir, du lundi 4 avril 1938

Par kikicmr • BaB NordEst.fr • Samedi 09/03/2019 • 4 commentaires  • Lu 3630 fois • Version imprimable

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Note : 5/5 (1 note)

La Petite-Saône, c'est la première section navigable de la Saône, au gabarit Freycinet, qui, à partir de Corre (70), fait suite au canal des Vosges, et s'étend jusqu'à Saint-Jean-de-Losne, où elle devient la Grande-Saône, canalisée à grand gabarit. D'entendre parler les mariniers qui la connaissent, anciens ou plus jeunes, c'est une belle rivière, mais par contre, par temps de crue, ses portes de garde peuvent se révéler redoutables !

Et il n'y a pas que pour ceux qui y naviguent que la Petite-Saône est à craindre, ses éclusiers et ses barragistes aussi sont exposés au danger, comme le montre cet article de Gaston Bonheur, publié dans le journal Paris-Soir en date du lundi 4 avril 1938, retrouvé grâce au site Rétronews de la BNF, que je vous laisse découvrir ; il concerne les premiers kilomètres de la Petite-Saône, entourés en vert sur la carte ci-dessous (Titre : La France fluviale et maritime. Carte offerte par Henry Valcke-François... Éditeur : Société éditrice géographique (Paris) Date d'édition : 1925 - consultable sur Gallica) :







  
POUR QUE LA SAÔNE SOIT NAVIGABLE, JACQUIN, ÉCLUSIER à Montureux-les-Baulay, succède à sept noyés.
 
  Et, d'Ormoy à Saint-Jean-de-Losne, ils sont ainsi douze gaillards qui risquent leur vie, jour et nuit.


  
 
 
  
Jacquin, l'homme de choc qui occupe le poste
le plus dangereux sur la Saône.



 
 Tribaut, un gars de la Meuse, « un batailleur ». Abel Simonney, l'éclusier de Cendrecourt.
 
 
 
 Quatre ont péri à leur poste en six mois l'hiver dernier.
 
  
 
(De notre envoyé spécial Gaston BONHEUR)

  
 
 Vu d'aval, le barrage de Cendrecourt dont les « aiguilles » de pitchpin servent à réguler
le cours de la rivière. (LIRE L'ARTICLE EN PAGE 3.)
 
 
   
Jacquin l'éclusier, un homme qui succède à sept noyés.
 
   
(De notre envoyé spécial Gaston BONHEUR)
 
   
LANGRES, 3 Avril.
 
Douces rivières de France, aux manières d'amoureuses, traversées de poissons comme d'adorables frissons, sages dans les villages, réticentes dans les méandres, abandonnées dans les criques ombreuses, dites, eaux douces, la Saône n'est-elle pas la plus douce ?
  
Je le croyais aussi. Je sais, maintenant, qu'elle n'est que repentie.
  
Et le pêcheur qui la taquine et la lancée qui s'y mire et le promeneur dominical qui la sillonne en barque ne se doutent pas du mal qu'elle donne à peine née. Ils ne soupçonnent pas ses traîtrises d'adolescente, ses rébellions, ses colères, ses crimes. Le laboureur, lui non plus, qui n'a qu'à dire « hue » et « dia », ne songe pas aux dompteurs de Camargue.
 
 
La paisible Saône sort, vaincue, d'une terrible guerre. Ils sont une douzaine de gaillards, d'Ormoy à Saint-Jean-de-Losne, chargés de la mater et qui payent cher leur victoire. Pour ne citer qu'un fait : Jacquin, gardien de barrage à Montureux-les-Baulay, succède à sept noyés. Tous ses prédécesseurs, sans exception, ont péri dans les eaux qu'ils avaient mission d'endiguer.
 
Le mot barrage évoque je ne sais quelle idée de forteresse. Je m'attendais à du béton. J'ai trouvé du pitchpin. Ici, sur la haute Saône, ce n'est pas la muraille qui compte... C'est l'homme.
 
 
Le barrage tient dans sa main comme une rame, comme une pioche, comme une arme blanche. Il se bat corps à corps, jour et nuit.
 
Imaginez, au-dessus des remous, une frêle passerelle de planches branlantes, et, pour maintenir des millions de tonnes d'eau, une rangée de bouts de bois obliques, appliqués entre deux cornières par la seule force du courant. Ces bouts de bois en forme d'aviron — on les appelle des aiguilles — vont d'une rive à l'autre comme les dents d'un peigne à travers lequel s'échappe, cendrée, bouclée, fragile, la chevelure de la Saône.


Mallavaux, le guetteur
 
Voici Ormoy, tête de ligne, premier obstacle aux caprices de la rivière. Mallavaux, le guetteur, avec son ancre d'or sur la casquette, son gros chandail de laine et ses mains dans les poches. Mallavaux, campé au-dessus du gouffre, interroge le ciel. 

— Il fait bien sombre là-bas, me dit-il. Ça ne m'étonnerait pas qu'il pleuve en amont de Corre.
 
Je m'installe à ses côtés sur les voliges et je fixe avec obstination le lointain, non tant à cause de l'orage possible que pour éviter de voir toute cette eau qui passe sous mes pieds, vertigineuse. C'est bien assez de l'entendre.
 
— Moi, je vis là-dessus, me déclare Mallavaux, goguenard. L'habitude. Dans le fond, le travail n'est pas compliqué. Maintenir le niveau à 2 mètres 10. Voilà tout. 
Alors j'enlève une aiguille par-ci, j'en remets une par-là, comme qui pèse sur une Roberval, avec des grammes. Des grammes qui pèseraient lourd... Pas malin... Seulement tout est à redouter. Et cette grisaille, vers le Nord, je parierais que c'est de la flotte. Mais il n'y a pas que les giboulées. Il y a les usines qui vous prennent l'eau et qui vous la rendent sans crier gare. Vous êtes là, bien tranquille, en train de rouler une cigarette et, d'un seul coup, l'échelle cote 2 mètres 30. On a juste le temps de faire sauter vingt aiguilles.
 
— Si le niveau monte ?

— S'il monte, ça peut vouloir dire l'inondation ou une péniche qui s'éventre sur un pont, ou une écluse qui pète...

— S'il descend ?

— S'il descend de seulement dix centimètres — et c'est vite fait — ça veut dire les chalands qui basculent sur le fond, les cargaisons qui se déglinguent, les minoteries qui battent de l'aile. Il y a une semaine que je ne dors pas. Avec cette chaleur précoce, d'un moment à l'autre, ça peut être la fonte des neiges. Des montagnes liquides qui descendent, une invasion d'écume qu'il faut enrayer. Du beau travail en perspective. Je vous garantis que je n'ai pas le temps de me faire du souci pour l'Anschluss... Chut !
 
J'entends le chahut infernal de la rivière qui s'effondre au-dessous de moi et se casse comme une verrière, comme cent verrières volant en éclats. Mais Mallevaux discerne dans le tumulte un bruit infime. Il ferme les yeux pour mieux prêter l'oreille. J'ai toujours admiré l'ouïe des soutiers qui entendent tomber un sou dans le boucan des chauffes. Mallevaux m'entraîne sur la rive et colle son oreille à la terre.

— Je m'étais trompé, m'avoue-t-il en se relevant. L'eau ne sera pas ici avant un quart d'heure.


Tribaut, le batailleur
 
Après Ormoy, c'est Cendrecourt.

— Bonjour, monsieur Tribaut.
 
Tribaut est un gars de la Meuse, un solide et, comme me disait Mallavaux tout à l'heure : « Moi, je fais gaffe, lui, il bataille... Mais c'est Jacquin, à Montureux, qui doit tenir le coup... » Il a bien l'air d'un batailleur, Tribaut, avec ses poings sur les hanches et sa tête collée aux épaules.

— Alors, comme ça, vous vous occupez de nous, commence-t-il. C'est...
 
La sonnerie du téléphone l'interrompt. Il bondit dans la baraque, décroche, change deux ou trois fois le récepteur de main comme s'il était trop chaud, parle d'une voix embarrassée :

— Oui. Hein ? Le paquet ? Farceur... Oui, oui, quinze aiguilles... J'ai entendu... Adieu, vieux...

Et pour moi, il ajoute :

— C'est Mallavaux. Il m'envoie du monde. Vous allez voir un peu comment on navigue.

Décoller une aiguille, c'est toute une histoire. L'eau pousse dans un sens. Il faut pousser dans l'autre et, sitôt qu'on a le dessus, retenir — parce que la latte, désormais privée d'appui, est entraînée par le remous qu'elle ouvre et risque de vous entraîner avec. Cela se fait, bien entendu, accroupi sur la galerie branlante et dix centimètres au-dessus du gouffre dont rien ne vous sépare. Et après l'une, l'autre; il faut en arracher quinze, ouvrir à l'eau qui arrive une voie de garage, et qu'elle aille se perdre dans la lande au lieu de noyer le canal où passent d'insouciants chalands.

 Et si encore, me dit Tribaut, toutes les aiguilles étaient solides. Passe... En faisant attention. Mais il y en a en mauvais sapin qui risquent de vous claquer dans la main. Et si l'une claque, rien à faire. Il faut y aller, tête première. Y aller sans billet de retour. C'est ce qui est arrivé, l'hiver dernier, au frère de Simonney, l'éclusier d'en dessous. Il vous dira, l'éclusier. Ah! ça ne se fait pas sans bagarre, une rivière navigable. Faudrait pas que les gens de la Côte-d'Or s'imaginent qu'elle leur arrive, comme ça, du Paradis, Si on ne la dressait pas, la garce ! Après, pardi, il n'y a pas de meilleure fille. Moi, une fois que j'étais chez des parents, je l'ai vue au-dessous de Saint-Jean-de-Losne, la Saône, je ne la reconnaissais pas, cette espèce de mijaurée. Si brave, si douce. Regardez-là, ici, si elle rouspète. Oh ! mais, avec moi, pas de pitié.

Et vlan ! Il lui flanque un coup de barre sur les reins, comme à une énorme bête glauque, dont elle garde, un instant, la cicatrice d'écume.

— Pas question de picoler, dans notre métier, ajoute Tribaut. Celui qui boit un coup, fût-ce le meilleur Beaujolais, c'est comme s'il se suicidait au vitriol. A part ça, moi, je me fais l'effet d'un chef de gare. Un coup de téléphone... C'est Mallevaux qui m'envoie le train. Je n'ai plus qu'à manœuvrer les aiguilles. Seulement, le train, il est en eau. Et j'ai 437 aiguilles sous mes ordres. Jacquin, lui, en a plus de 700. Bon sang, faut que je le prévienne. On bavarde, on bavarde...


Simonney, le pacifique

Du barrage à l'écluse, il y a le chemin de halage. C'est d'un calme... On entendrait presque le bruit de papier de soie du Printemps qui déplie ses bourgeons... Presque... Je croise le Bonifacio, un bon gros chaland ventru, avec des fleurs en papier sur toutes les vitres. Deux chevaux le tirent, si exténués qu'on dirait toujours que c'est le dernier pas, et ce dernier pas dure des milliers de kilomètres. Je pense à cette fable que l'on dit sur les amours d'une marinière et d'un éclusier.

« La première fois, ils se sourirent. La seconde fois, ils se fiancèrent. La troisième fois, ils étaient trop vieux. »

Il fait si bon que je pardonne à la Saône...

Abel Simonney, l'éclusier de Cendrecourt, est en train de tourner la manivelle.

— 1.100 tours! commence-t-il.

1.100 tours pour chaque bateau qui passe. Il en passe 4.000 par an. Comptez. Et dire qu'il y a des gens qui s'énervent pour moudre du café... 4.000 ! Le Père Antoine, l'Union, le Diamant rose, la Laborieuse, et beaucoup d'autres...

Simonney a vraiment l'air d'un brave homme. Surtout quand il bougonne. Je le revois, devant sa maisonnette, avec ses yeux clignotants et son mégot attendri. Il me parle de son frère, Armand, qui n'avait pas de veine, qui était veuf et qui est mort en laissant six orphelins. Trois filles, trois garçons...

— Le plus jeune, le voilà. Il m'aide.

C'est un garçon de seize ans, tout en jambes, qui a l'air très fier de sa casquette à ancre d'or, la seule chose qu'on ait retrouvée de son père et qu'il achève d'user.

— Ah! ils n'ont pas la vie rose, ceux des barrages, reprend Simonney. On parle des gardiens de phare. Et eux, donc, qui vivent au milieu de l'inondation, avec les pieds mouillés l'hiver et les moustiques l'été ? Parfois, coupés du monde des trois mois entiers, et il faut les ravitailler en barque, quand on peut. Et pas beaucoup qui arrivent à la retraite. Rien que l'hiver dernier, sur douze agents en Haute-Saône, quatre se sont noyés : Lebellec, Montureux-les-Baulay — une aiguille qui a cassé ; Truisson, à Chemilly — en essayant d'enlever un caisson de bois qui s'était fourré dans le peigne ; Hugonot, à Heuilley — un matin de verglas ; mon frère... Et, en compensation, qu'est-ce qu'on a ? Ne jamais pouvoir s'absenter, être sur les dents de l'aube à l'aube et « jouir », comme on dit, de deux jours de congé par an, le 14 juillet et le 11 novembre... Avoir des gosses, trembler pour eux et ne pas même pouvoir les envoyer à l'école parce que c'est trop loin. Voilà.

Je laisse Simonney et son mégot éteint.


Jacquin, l'homme de choc

Je trouve Jacquin, l'homme de choc, qui surveille la brèche qu'il vient d'ouvrir dans son barrage, à Montureux-les-Baulay. Une brèche de vingt aiguilles — à cause d'une averse du côté des Vosges...

Jacquin succède à Lebellec, mort à la tâche, lequel succédait à Strecher, mort à la tâche, lequel succédait à un autre dont on a oublié le nom, mort à la tâche aussi, et ainsi de suite jusqu'en 1875, date de construction du barrage. Il occupe le poste le plus dangereux de la Saône. L'eau qu'a signalée Mallavaux, qu'a affrontée Tribaut, c'est lui qui la reçoit sur une largeur de cent mètres. Ainsi d'une attaque brusquée quand, passés les avant-postes, elle se heurte aux troupes de résistance. Jacquin a ordre de tenir tant qu'il peut et de ne laisser filer sur Chemilly, Heuilley et la suite que le surplus irrésistible... Comment est-il venu là, prendre la succession des morts ?

— Eh bien, voilà, me confie-t-il, j'étais maître d'hôtel à Troyes. Et puis, comme je suis médaillé militaire et que j'y ai droit, pour plus de tranquillité j'ai demandé un « emploi réservé ». On m'a envoyé ici.

Et c'est ici qu'il vit, avec sa femme et deux fillettes blondes, dans une maisonnette entourée d'eau, avec la crainte incessante d'une glissade ou d'un faux pas.

— Venez voir, me dit-il, où s'est noyé Lebellec. Je le sais, parce que j'ai remplacé l'aiguille.

De l'eau, comme à droite, comme à gauche, aveugle, têtue, pleine de soubresauts.

— On a beau savoir nager, ajoute-t-il, une fois là-dedans, le courant vous colle contre les aiguilles et c'est tout cuit. Mais il y a plus triste. L'an dernier, deux fillettes, de l'âge des miennes, qui jouaient sur le bord... L'une est tombée dans le bouillon, l'autre a voulu la rattraper ; elles ont sombré ensemble et, quelques heures plus tard, dans des buissons en aval, le père a retrouvé deux cadavres qui se donnaient la main.

Sa voix se casse comme s'il parlait des siennes.

— Maintenant, reprend-il en toussotant, on n'attend plus que la fonte des neiges. Quand elle viendra, ce soir, demain, après-demain, plus la peine de calculer. Faudra coucher le barrage. C'est ça qui est dangereux. On commence par enlever toutes les aiguilles. Après, c'est le tour de la passerelle et des chevalets. Une volige après l'autre et, à mesure, on laisse libre champ au courant ; on se coupe de la rive; on n'a plus rien qui tienne bon. Et songez qu'on fait ça contre des millions de mètres cubes d'eau qui vous guettent de leurs millions d'yeux blancs. Quitte, le lendemain, à manquer d'eau. Tenez, l'an dernier, Tribaut, à Cendrecourt, a couché et relevé son barrage six fois en quinze jours...

Triste sur son tertre où elle n'a pas le droit de bouger, une des fillettes chantonne...

« 
Mon aiguille s'est cassée, Il faut la raccommoder... »

Sa mère sort, pâle, tragique, et lui donne une taloche. L'enfant regarde, étonnée... Elle ne sait pas.

À Saint-Jean-de-Losne, plus bas, la Saône est si tranquille que les feuilles mortes tombées cet automne n'ont pas encore dérivé...

 
 




J'espère que la lecture de cet article, à la fois passionnant et terrifiant, vous aura plu autant qu'à moi. Pour mieux situer les villages dont il est question (Corre à la sortie du canal de l'Est, puis Ormoy, Cendrecourt et Montureux-lès-Baulay), voici un extrait de la Carte de la Saône dressée par G. Clerc-Rampal, membre de l'Académie de Marine, Vice-Président du Yacht-Club de France, et éditée par la Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales en 1938, la même année que l'article de Gaston Bonheur (de gauche à droite, de l'amont vers l'aval) :

 
   
 
 


 
Et puis j'ai voulu en savoir plus sur les prédécesseurs du barragiste Jacquin ; toujours grâce à Retronews, j'ai pu retrouver, dans le journal Le Progrès de la Côte d'Or, des traces de l'accident de Léon Le Bellec, cité dans l'article, et d'Henri-Victor Strescher, cité également, noyé, lui, en 1928 :
 
 
 
Le Progrès de la Côte d'Or, vendredi 20 janvier 1928 :

HAUTE-SAÔNE
 

   Montureux-lès-Baulay. - Disparition. - Dans la soirée de dimanche, M. Strescher Henri-Victor, barragiste, se rendait au barrage dont il a la garde, afin d'en lever les aiguilles, en raison de la crue de la Saône.
   Depuis lors, cet employé n'a pas reparu à son domicile, et il est à présumer que ce malheureux a fait une chute dans la Saône.
   Les recherches effectuées pour retrouver son cadavre sont restées jusqu'à présent infructueuses.
   Strescher, qui n'était âgé que de 33 ans, laisse une veuve et trois jeunes orphelins.
 
 
Le Progrès de la Côte d'Or, samedi 18 juillet 1936 :

   Montureux-lès-Baulay. - Un barragiste tombe à l'eau et se noie. - Le 12 courant, dans la soirée, M. Léon le Bellec, ancien officier, barragiste à Montureux, est tombé accidentellement dans la Saône, alors qu'il était occupé à remplacer des aiguilles au barrage. Sa femme et sa fille se précipitèrent à son secours, mais en raison de l'obscurité, on ne put repêcher le malheureux le Bellec. Le lendemain, son corps fut aperçu flottant en amont du barrage mais il disparut avant qu'on ait pu le retirer.
Le Progrès de la Côte d'Or, mardi 21 juillet 1936 :
 
 
HAUTE-SAÔNE
 

   Montureux-lès-Baulay. - Découverte d'un cadavre. - Le corps de M. Le Bellec, éclusier, tombé accidetellement dans la Saône il y a quelques jours, a été repêché au barrage d'une usine électrique. C'est Mme Wegmuller, demeurant à l'usine, qui a aperçu, depuis sa fenêtre, le corps du malheureux, flottant à la surface.


Et puis trois articles sur la mort d'Hugonnot, du barrage d'Heuilley-sur-Saône, dont le cadavre ne fût retrouvé qu'un mois après la noyade :


Le Progrès de la Côte d'Or, mercredi 10 février 1937 :

A Heuilley-sur-Saône,
un père de cinq enfants
se noie accidentellement

  Par suite des crues de la Saône, hier après-midi, vers 15 heures, le barragiste de l'Île de Flée (Fley), à Heuilley-sur-Saône, M. Hugonnot, 40 ans, procédait à des manœuvres d'aiguilles, aidé par une dizaine d'hommes, lorsque, par suite d'un faux mouvement, il glissa et tomba à l'eau à l'amont du barrage.
   Des recherches furent aussitôt entreprises, mais le corps de M. Hugonnot ne fut retrouvé que longtemps après. Le médecin ne put que constater le décès.
   Ajoutons que le malheureux était père de cinq enfants en bas âge.

Le Progrès de la Côte d'Or, samedi 13 février 1937 :

   Heuilley-sur-Saône - L'accident du barrage mobile - C'est par erreur qu'il a été annoncé que le corps de M. Hugonnot avait été retiré de la Saône, car jeudi encore, les recherches sont demeurées sans résultats. L'état de la Saône les rend difficiles et c'est avec anxiété que les sondages se poursuivent.

Le Progrès de la Côte d'Or, jeudi 11 mars 1937 :

 
Découverte d'un noyé

 Le corps du malheureux barragiste, M. Claude Hugonnot, qui s'était noyé accidentellement le 9 février dernier, vient d'être retrouvé dans la Saône, à Heuilley-sur-Saône.
 








Le Journal dont est extrait l'article sur les barragistes de la Petite-Saône : Paris-Soir, quotidien fondé en 1923 et interdit en 1944. Plus d'infos sur Wikipédia : 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paris-Soir.


Le journaliste qui l'a rédigé : Gaston Bonheur, à l'état civil Gaston Tesseyre, est un journaliste et écrivain français né le 27 novembre 1913 à Belvianes (Aude) et mort le 4 septembre 1980 à Montpellier (Hérault). Grand reporter pour Paris-Soir, rédacteur en chef de Paris Match et de Paris-Presse, concepteur de la formule de Télé 7 jours... Sa biographie à lire sur Wikipédia : 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Bonheur.






Et puisqu'il paraît qu'en France, tout finit par des chansons, comment ne pas écouter à nouveau celle-ci, L'éclusier, de Jacques Brel (1968), dont l'atmosphère colle particulièrement bien à notre lecture :










Commentaires

par mati le Dimanche 10/03/2019 à 20:16

Bel article, Merci Kikicmr...

J'ai recherché dans les numeros du JOURNAL DE LA NAVIGATION de 1938,
aucun article sur les accidents des barragistes...

et sur ces journeaux il y a la trace des passages à l'écluse de Charmes (voir sur la carte entre Nancy et Epinal) en esperant trouver le BONIFACIO vu par Gaston Bonheur .
-sur le N° 10 du 10 mars 1938 : le 2 mars le BONIFACIO de la Cie Générale (donc HPLM) va à Nancy avec du vin, de l'huile et du feuillard 

-sur le n° 13 du 7 avril 1933 : le 26 mars il revient vers Lyon avec du fer

Il s'agit certainement du "marocain" , l'article est daté du 3 avril, ce pourrait donc bien apres le passage à Charmes du 26 mars...
cependant on pourrait douter, car le BONIFACIO etait motorisé (Bolinder de 45cv) et il avalait, donc pourquoi des chevaux de halage? et de plus  "exténués" ?  

GuyBaBF


 


Re: par kikicmr le Dimanche 10/03/2019 à 20:34

kikicmr  Merci :) !

J'avais aussi pensé au marocain, en me disant que peut-être le journaliste s'était un peu emmêlé les crayons, qu'il avait bien vu le BONIFACIO motorisé et qu'il l'avait, volontairement ou involontairement, confondu avec un autre bateau halé qu'il aurait pu voir !


La vie des barragistes de la Saône par Gaston Bonheur par lougabier le Mercredi 13/03/2019 à 01:23


Merci kikicmr pour cet excellent article.

En quelque sorte il rend honneur à tous les barragistes qui ont accompli leur tâche comme un sacerdoce. Si à la même époque, les aviateurs de la "Postale" faisaient "passer la Ligne", eux tenaient la côte du bief eux aussi, avec beaucoup de danger et d'abnégation.

Gaston Bonheur évoque cette période de son passage à Paris-soir, au début d'un interview de Jacques Chancel dans "Radioscopie" :
Ci joint le lien de l'INA (les 10 premières minutes sont mises gratuitement à notre disposition:
www.ina.fr/audio/PHD99227956

Journalistes et écrivains se confondaient à cette époque tel qu'on peut le vérifier dans ces articles et le fait de parler "des gens d'en bas" faisait partie aussi des objectifs de Paris-soir.

Gaston Bonheur était pour nous un chantre de l'Occitanie. Sa voix rocailleuse faisait merveille quand il évoquait la Garonne, l'Aude et le Canal du Midi.
Dans son ouvrage sur l'École de son enfance, Qui a cassé le vase de Soisson, il présente nos principaux fleuves d'une façon originale :


A Carcassonne, les Divers y débarquaient jusque vers les années 1957, du ciment pour Ferrand, et y chargeaient des mates, de l'arsenic, des poussières de bismuth, des mines de Salsigne. De nombreux pinardiers venaient y faire le plein tandis que des pétroliers vidaient leurs cuves. La Cité (ville haute) et la Bastide (ville basse) faisaient partie de notre décor.

On "faisait le marché" à cette Place Aux Herbes évoquée dans cette vidéo.

Gaston Bonheur en parle dans cet extrait de l'INA :
www.ina.fr/video/CAB7901115501









Re: La vie des barragistes de la Saône par Gaston Bonheur par kikicmr le Mercredi 13/03/2019 à 19:09

kikicmr  Merci pour le "excellent" ! ;) :)

Alors pour moi, ce journaliste est une découverte, je ne connaissais pas. C'est vrai que le mélange écrivain/journaliste donne un article bien écrit !



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