Vue de la rive ou d’un fauteuil de salon, la navigation sur les rivières à l’air tellement simple qu’on se demande pourquoi il faut un permis pour piloter ces engins là. Un automoteur passe encore, c’est long, lourd et donc plus difficile à manier mais une vedette, c’est petit, léger et donc simple.
D’ailleurs il suffit d’écouter ou de lire les commentaires « éclairés » des spectateurs pour comprendre que c’est un jeu d’enfant ou encore de rencontrer le regard moqueur et navré d’un de ces observateurs lorsqu’une manœuvre est mal exécutée.
En fait, c’est vrai que c’est simple, on lance le ou les moteurs, on largue les amarres et on pousse la ou les manettes en avant et ça avance mais dans la réalité, celle qui se déroule loin des forums de discutions c’est une autre affaire.
La remontée du Rhône est une de ces affaires ainsi que toutes les rivières à des degrés différents il est vrai.
Pourquoi me direz-vous ?
Parce-que les pièges y sont nombreux dans les deux sens, et pas seulement lorsqu’il y a de l’eau ou du débit.
Le Rhône était un fleuve sans écluses, où le niveau de l’eau nécessaire à la navigation était atteint grâce à la construction d’épis en grand nombre.
Lorsque les écluses ont été construites, certains de ces épis ont été démantelés et d’autres pas.
La conséquence est que même en respectant scrupuleusement le chenal, la présence de ces anciens ouvrages provoque par endroit des renvois de courant, des tourbillons qui, s’ils ne gênent pas trop les « commerces » lourds et puissants, peuvent s’amuser avec votre petit bateau comme un enfant avec ses canards en plastique dans son bain.
Votre barre bien calée donne une route bien droite lorsque tout à coup, sans savoir pourquoi, voilà que l’étrave veut s’écarter de la route comme si elle était animée d’une vie propre ou que votre bateau soit dans les mains d’un géant prenant son bain.
Pas normal, un bateau ça vire de l’arrière, du cul et pas du nez. La conséquence si vous ne réagissez pas dans la seconde, si vous êtes distrait ou si vous manquez de puissance, est que vous pouvez vite vous retrouver en dehors du chenal.
De même sous certains ponts où le courant se joue de vous en accélérant brutalement et tente de vous fracasser sur les piles.
Que faire alors ?
Il faut être très attentif, concentré sur sa conduite, observer la surface de l’eau, de petites vagues statiques à un endroit ne sont pas que les effets du vent, il s’agit peut-être d’un remous provoqué par une roche, un ancien épi ou une épave qui même en vous laissant du mouillage en suffisance, peut déstabiliser votre embarcation.
Il faut garder une réserve de puissance disponible d’au moins un tiers, car en situation difficile, augmenter la vitesse en douceur peut vous aider à corriger ce que la barre n’a pas fait si vous vous êtes laissé surprendre.
Il y a aussi les obstacles flottants qui déboulent lorsque le niveau monte, à cause d’un « lâcher » d’eau en prévision d’une crue, ce sont des branches voir même des troncs qui flottent pour certains, mais pour d’autres, se trouvent à la limite de la surface et avancent comme des torpilles.
La rencontre avec ces missiles n’aura pas trop de conséquences sur une coque acier, mais sur du polyester ou du bois il risque de ne pas en être de même. Pour tous, il y a les hélices, qui une fois faussées provoquent des vibrations néfastes aux presse étoupe des arbres d’hélice, avec les conséquences qu’on imagine.
Ce n’est pas compliqué de naviguer sur ces fleuves et rivières à condition d’ouvrir les yeux et de bien observer les lieux et la surface de l’eau. Si vous voyez que vous êtes un peu court en puissance, il vaut mieux rejoindre un abri ou encore rester au ponton et attendre que les conditions s’améliorent. Il n’y a pas de honte à avoir, en mer on parle de bon sens marin. Il doit en être de même partout où on navigue.
Parler avec de vrais pros est également une solution, ils ne sont généralement pas du tout avares de conseils vraiment éclairés ceux-là.
A tous ceux qui ont écrit que c’est facile de naviguer et de manœuvrer je dirai : »menteurs ».
C’est pas compliqué, mais dire que c’est facile est un mensonge, il faut réfléchir et resté concentré en permanence, ce n’est pas comme au volant de votre voiture où vous pouvez vous laisser aller à rêvasser à vos prochaines vacances ou au bon repas que vous allez faire ou…
Le pilotage d’un bateau demande beaucoup de concentration, et lorsque celle-ci se relâche, soit vous arrêtez un instant, ou vous passez le relais à votre coéquipier ou coéquipière afin de mieux y revenir plus tard.
L’eau est un fluide plus dense que l’air dans lequel se meut votre voiture, l’eau se comporte comme l’air, elle accélère lorsqu’elle est contrainte de passer dans un rétrécissement, c’est l’effet « Venturi », elle se met à tourbillonner autour d’un obstacle, elle peut ralentir sa vitesse pour soudain accélérer immédiatement après. Comme l’air elle agira sur votre véhicule, mais sa densité fait qu’elle le fait avec plus de force que l’air.
Abordez-là avec humilité et respect, elle essayera de jouer avec vous c’est certain, faites en sorte que votre concentration et votre vitesse de réaction fasse que ce jeu reste un jeu et non un naufrage.
L’eau peut tuer aussi. Autant savoir !