Bord à Bord Fluvial
L'été est une saison propice aux belles découvertes au fil de l'eau, tel ce soir d'août dernier où l'on m'a dit "Il y a une péniche arrêtée à la halte à Crévic".
Méfions-nous des mots... une "péniche"... terme assez vague, quand même. Je demande donc des précisions :
"Un commerce?
- Oui, on dirait bien, vidange"
Cette réponse me laisse perplexe... Qu'est-ce qu'un commerce ferait de s'arrêter à la halte fluviale? D'habitude, ils dorment plutôt aux pattes d'oie des écluses! Je n'ai pas d'autre choix, vous en conviendrez, que d'aller moi-même tirer les choses au clair...
Me voici arrivé devant "la péniche". Je ne peux que constater que mon informateur ne s'est pas trompé. Les lettres WILLI, de couleur noire, se détachent clairement du fond blanc des fargues. Je sors mon appareil photo de son étui pour immortaliser la scène.
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Le lendemain matin... dès le lever, une seule envie : retrouver "la péniche". Rapide réflexion : arrêtée hier soir à Crévic, dans le sens montant... j'en déduit qu'il y a de grandes chances que je la retrouve du côté de Maixe, voire un peu plus loin.
Me voici arrivé à l'écluse 19. Comme prévu, l'attente ne fût pas longue. Deux plaisances avalant, dont un joli tjalk, et voilà le nez du WILLI qui pointe à l'horizon...
J'attends qu'il entre dans le sas, mon appareil photo travaille à fond. J'admire les belles formes du bateaux...
...l'avant...
...et l'arrière.
Il s'immobilise, les portes aval se referment, le niveau monte. Il est temps pour moi de m'approcher des portes amont pour établir le contact avec les mariniers... "Bonjour! Beau bateau!"... Et là... je comprends que ça ne va pas être facile : "Guten Tag!"... Hou la! Il va falloir que je mobilise le peu de connaissances que dix ans d'apprentissage de la langue de Goethe ont laissé dans mon cerveau si je veux résoudre cette énigme... Je tente alors un timide "Schönes Schiff!": le capitaine est souriant, c'est dans la poche!
C'est ainsi que j'apprends que j'ai devant moi un bateau construit en 1909 à Deest, aux Pays-Bas. Son premier propriétaire, français, l'appelle SAINT JOSEPH (matricule inconnu, bureau de jaugeage de Paris). En 1956, il devient allemand et prend alors la devise qu'il porte encore aujourd'hui : WILLI, immatriculé à Sarrebrück (matricule SBD299), propriété de Damian Salm à Gersweiler jusqu'en 1992. A l'origine tractionné, il reçoit en 1962 un moteur diesel Diesel DAIMLER-BENZ, type M 204 B, d'une puissance de 72 à 120cv, avant d'en changer en 1972 pour un modèle OM 355 de la même marque, version Marine, (6 cylindres en ligne), de 200cv à 2000tr/min.
En 1992 commence sa vocation patrimoniale : en effet, il est acheté par le "Landesmuseum für Technik und Arbeit" de Mannheim, puis en 2004 c'est la "Verein Historische Binnenschifffahrt" (Société historique de navigation intérieure) de Muttenz, en Suisse, qui en devient propriétaire et le restaure jusqu'à aujourd'hui. Cette restauration se fait dans le sens de la Charte de Barcelone, qui vise à garder et à mettre en valeur les bateaux historiques : c'est grâce à tout le soin apporté aux travaux par les membres de l'association qu'il a gardé sa ligne de commerce, qui m'a tant fait douter le premier soir...
Il mesure très précisément 38,66m de longueur sur 5,01m de largeur et porte 307 tonnes à 2,10m d'enfoncement. Son matricule européen actuel est 07001838 (Suisse), il a remplacé le matricule allemand 4301260, porté pendant quelques mois en 2006.
Gros plan sur l'avant.
Bien... Je sais qui il est, mais ça ne me suffit pas. D'où vient-il? Où va-t-il?
J'interroge donc encore un peu, pendant l'ouverture des portes... La "Verein Historische Binnenschifffahrt" le fait naviguer sur les voies d'eau d'Europe. Cette année, c'était une belle boucle qui était prévue sur les canaux de l'Est de la France : le Rhin de Bâle à Strasbourg, puis le canal de la Marne au Rhin jusqu'à Nancy, ensuite le canal des Vosges et la petite Saône jusqu'à Saint-Jean-de-Losne et retour en Suisse par le canal du Rhône-au-Rhin! Mais voilà, c'était sans compter sur le légendaire état d'entretien du réseau navigable hexagonal et plus particulièrement son célèbre et catastrophique canal des Vosges : des problèmes à l'écluse 6 du versant Saône, puis à la 37... L'avis à la batellerie tombe : le canal sera fermé pour 10 jours, le WILLI, qui n'a pas le temps d'attendre, doit donc faire demi-tour et repartir par là où il venu!
Egoïstement, je ne vais pas le plaindre, car je l'avais raté avalant sur le canal de la Marne au Rhin, versant Meurthe, mais ce demi-tour m'a permis de le photographier montant!
Ça y est, le sas est rempli, les portes amont ouvertes, je sais ce que je voulais savoir, je le laisse donc partir non sans faire encore quelques photos, cette fois de l'arrière :
Cette anecdote, ainsi que toutes les autres, figurent dans son carnet de voyage, que je vous invite à aller consulter sur un sympathique forum germanophone sur la navigation intérieure : http://www.binnenschifferforum.de/forum/showthread.php?23623-Basel-Strassburg-Nancy-Gray-Saint-Jean-de-Losne-Basel
Pour tout savoir sur le Willi et sur la "Verein Historische Binnenschifffahrt", allez voir son site www.historische-binnenschifffahrt.ch/ et la fiche du bateau sur le forum dont il est question ci-avant : http://www.binnenschifferforum.de/forum/showthread.php?7963-Willi-GMS-(P%E9niche)-07001838.
Merci!
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J.Claude