Beaucoup ici le savent sûrement, mais la batellerie n'a pas toujours usé de bateaux de plus de 39m ou de convois poussés. Comme dans tout domaine technique et humain, il y eut du progrès technologique et social, des fluctuations économiques et des considérations d'intérêts divergents. Tout ceci, comme toujours, ayant pour corollaire des luttes engagées, des hauts et des bas… (et débats !)
Et si l'on remonte plus loin dans l'histoire, il faut se remémorer l'enclavement des batelleries par faute de la séparation physique des bassins versants de nos rivières originales. Ce qui eut pour conséquence une grande diversité de moyens, donc de types d'embarcations. A remarquer que ce n'est pas pour déplaire aux historiens et "collectionneurs" de typologie de construction.
Dès le XVIIIe, le développement économique et l'exponentiation des échanges demandèrent plus de fret et surtout plus d'efficacité. Il n'était plus concevable de franchir les crêtes par déchargements, transports hippomobiles et ré embarquement des marchandises. De plus, afin d'uniformiser le trafic et pour des questions évidentes de compatibilité, il fallut concevoir un gabarit "standard".
Ainsi, pour faire simple, naissaient les écluses et les biefs de partage, tout comme le gabarit Freycinet. Mais les limitations des hauteurs rattrapées par les écluses d'alors ne suffirent pas toujours : la succession d'un trop grand nombre d'entres-elles induisait un ralentissement de trafic insupportable. Sans compter les pertes d'eau dues aux éclusées tout aussi nombreuses. Plusieurs moyens ingénieux furent alors mis à contribution, j'en citerais deux particulièrement remarquables : le plan incliné avec transport de bac et l'ascenseur à bateau. Je me propose ici de vous décrire plus particulièrement le second. Il existe en fait deux types prépondérants d'ascenseur : l'hydraulique et le funiculaire.
C'est en Grande Bretagne qu'apparaissent les premières réalisations, ce qui se comprend aisément si l'on considère que ce pays fut le berceau de la révolution industrielle. Les premiers modèles utilisent le principe de la balance mais avec transmissions mécaniques à chaînes. On utilise déjà la surcharge en eau du bac en position supérieure afin de l'alourdir, de descendre et ainsi d'entraîner le bac inférieur vers le haut. L'ingénieur Edwin Clark développera ce concept en le rendant totalement hydraulique. C'est le 26 juillet 1875 que le premier modèle fut mis en service à Anderton non loin de Liverpool. Le premier ascenseur belge vu le jour le 4 juin 1888 à la Louvière sur ce qui devait devenir le Canal du Centre. Ce projet fut fortement ralenti par la guerre et les affres économiques ! C'est sous l'occupation allemande, en 1917, que l'ensemble des 4 ascenseurs successifs de ce canal, "rachetant" 68m sur 7 km de distance, sera mis en service.
En France, c'est le 8 juillet 1888 que s'ouvrait à la circulation fluviale l'ascenseur des Fontinettes près de saint Omer.
Et c'est au milieu des années 90's que je décidais de faire un p'tit safari photo sur les différents sites. Je sortais d'une expérience catastrophique et affligeante de trois ans à tenter le montage d'un port musée à thème "voiles latines" dans les P.O. (66) en compagnie de collègues passionnés, talentueux mais tout autant "sabordés" ! Nous avions suivi de près le même chemin que ceux de Douarnenez… N'en déplaisent aux "politiques", le "social" et le "culturel" ne font guère bon ménage ! Alors je ne fus pas très surpris de remarquer l'état de délabrement du site des Fontinettes et une certaine "grandeur" de la muséographie à la française. Nous n'en avions qu'un et il fut bétonné en 1978 (piston). Aujourd'hui seule la rouille semble s'en préoccuper…
vestige, vertige ou vert tige ?
Pensez alors, quel ne fut pas mon étonnement à la découverte des sites belges ! J'appris qu'en 1978, même année que l'immobilisation de celui des Fontinettes, J.P. Gaillez créa la Compagnie du Canal afin de protéger tout le site, intégrant ainsi ce fabuleux patrimoine dans une action culturelle et didactique de découverte…
Résultat : un cadre vert et enchanteur propice à la balade, des bâtiments annexes typiques de l'architecture industrielles en briques rouges en excellent état, un entretien de qualité pour les ponts et ascenseurs maintenus en ordre de marche (décidé en 1991) et ce malgré la construction, puis la mise en service, du gigantesque ascenseur de Strépy-Thieu (voir plus loin) ! Bluffant !
détail du piston !
détail d'une porte supérieure...
Bâtiments et tours des machines hydrauliques.
Pont tournant et détail, à proximité du site de l'ascenseur 3.
Je n'ai pas résisté à l'envie de réaliser cette humble animation afin de faire découvrir l'ingéniosité, autant que la simplicité, du principe de fonctionnement (simplifié ici) d'un ascenseur hydraulique :
Je dois ajouter qu'à la vue du mastodonte, à l'époque en construction, je fus tout bonnement ébahi ! L'ascenseur funiculaire de Strépy-Thieu c'est :
- une charge au sol de l'ordre de 300 000 tonnes
- une chute "ravalée" de 73,15m
- un canal en remblais de 800m et un pont canal de 170m en amont
- deux bacs offrant 112m x 12m utile avec une profondeur pouvant varier de 3,35m à 4,15m et pesant environs 8400 tonnes permettant l'accès aux automoteurs de 1350 tonnes ou une barge de 2000 tonnes et son pousseur
- un bâtiment de 102,20m de haut "chapoté" par un encorbellement de 131m de long pour 76 m de large !
état actuel - Photographie de Jean-Marie Hoornaert pour Wikipédia
Proprement unique au monde et sidérant. Je n'étais pas étonné d'apprendre que de nombreux japonais faisaient spécialement le voyage pour découvrir (et photographier) ce monstre pendant toute la durée de la construction. Cette dernière fut commencée en 1982 et l'ensemble fut inauguré en 2002.
N'hésitez pas à faire une visite de :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ascenseur_funiculaire_de_Str%C3%A9py-Thieu
Notez que le principe de fonctionnement de l'ascenseur funiculaire et assez différent de l'hydraulique. L'avantage premier ici est de rendre les bacs totalement indépendants. Le principe de base est toujours la balance mais ici se sont des contrepoids qui équilibrent le bac. Là aussi, j'ai fait une petite illustration animée :
Voilà, j'espère avoir intéressé quelques-uns et incité la plupart à visiter les lieux.
Jean-Michel Docus dit "Jimidi"
Superbe article ....... Très intéressant, bien documenté, très bien écrit, belles photos et bravo pour les animations simples et efficaces ..... Ca donne envie de courir voir de plus près.
L'occasion de souhaiter la bienvenue sur BaB à Jimidi ........ Un apport certain pour le site et pour nous tous ....... continue comme ça!!
Jean Louis Vey (BaB vallée du Rhône)